L'émerveillement
L’émerveillement est une émotion produite par une perception accompagnée d’étonnement et d’admiration. L’émerveillement provoque un profond sentiment de joie. C’est le cœur qui perçoit, et non le mental. Il n’y a pas de jugement, de concept, de dualité dans l’émerveillement. C’est une émotion chaleureuse, produite par le spectacle qui s’offre à nos sens. Sans idées préconçues, sans références à des expériences du passé, la perception est complètement pure, nouvelle, innocente, authentique. Les enfants sont souvent émerveillés par ce qu’ils découvrent pour la première fois. Les adultes le sont plus difficilement, car ils ont déjà tout vu, ils sont blasés. Ils ont des attentes, des exigences, des préjugés, et ils sont déçus.
L’émerveillement demande un petit effort, il se mérite. Il faut oublier tout ce qu’on a déjà vu ou expérimenté et changer sa façon de percevoir, jeter un autre regard sur les choses ou leur prêter une autre oreille. Dans la vie quotidienne, nous percevons rarement les choses telles qu’elles sont. Notre mental, une fois qu’il les a reconnues, les recouvre automatiquement d’une étiquette conceptuelle qui ne correspond pas à la réalité, les classe sans s’y attarder. Le cœur n’intervient pas dans ce processus, c’est pourquoi il n’y a pas d’émerveillement. Mais lorsque nous arrivons à déconnecter le mental et à percevoir avec le cœur, une tout autre image apparaît.
Je suis très sensible à l’émerveillement produit par les images visuelles, parce que je suis un peintre, mais il n’est pas limité au sens de la vue. Tous les objets des sens peuvent nous émerveiller, les sons, les odeurs, les goûts, les sensations physiques et les idées. Le mental, lui aussi, malgré ses tendances à la logique et à la raison, peut sortir de sa froideur et avoir des émotions, par exemple lorsqu’il a une idée géniale. En réalité, toutes les perceptions des sens et toutes les idées sont géniales et merveilleuses. Elles sont magiques et miraculeuses, quand nous prenons le temps de les percevoir vraiment, c’est-à-dire d’être présents à nos perceptions.
Le simple fait de percevoir, de voir, d’entendre, de sentir, de goûter, de toucher, d’avoir des idées – et d’être conscient de ces perceptions – est une raison de s’émerveiller. La difficulté est de rester dans le moment présent et d’être attentif à ces perceptions. Si nous faisons l’effort de regarder vraiment quelque chose, même quelque chose que nous voyons tous les jours, nous nous apercevrons que nous ne l’avons peut-être jamais véritablement regardé. Ce que nous percevons habituellement est une image mentale approximative et stéréotypée, mais pas la réalité.
La perception directe nous montre tous les détails de l’objet, son individualité propre, son apparence changeante, et aussi son essence immuable. La séparation entre l’objet et l’observateur disparaît, et nous devenons cet objet, car nous faisons partie d’un même tout omniprésent. En même temps que nous percevons les objets, nous nous percevons nous-mêmes, nous découvrons notre vraie nature, ce que nous sommes vraiment. Nous découvrons le monde, l’univers, la vie… et cette réalisation est un émerveillement. Devant cette vision, la joie nous envahit et nous transporte dans un autre niveau de conscience, dans une autre dimension, où tout est beauté, pureté, harmonie, amour.
Tous les phénomènes répondent à un ordre immuable, à une intention parfaite et indéniable. Les anciennes traditions parlent du royaume des perceptions pures. Qu’est-ce qui nous empêche d’y séjourner en permanence ? Simplement notre façon de percevoir. La perception dualiste et conceptuelle du mental nous conduit à juger la réalité et à vouloir la manipuler pour la conformer à nos désirs, au lieu de l’accepter telle qu’elle est. Elle est la cause de la frustration, de l’avidité, de l’aversion et de tous nos problèmes et nos souffrances. La pure perception du cœur, par contre, nous permet d’accepter les choses telles qu’elles sont avec émerveillement, joie et gratitude. Elle est la cause de la paix, du contentement et de la bienveillance. C’est à nous de choisir…
Ce texte est un chapitre du Guide du bonheur pour le troisième millénaire, de Pierre Wittmann.