La manipulation par la souffrance
Selon la définition du dictionnaire, la souffrance est « le fait de supporter quelque chose de pénible ou de désagréable, des douleurs physiques ou morales ». La souffrance fait partie de la condition humaine. Mais savoir si elle est bonne, comme certaines religions le prétendent, si elle est nécessaire et si elle est réellement inévitable, sont des questions que nous nous posons tous, un jour ou l’autre.
Le Bouddha, dans son premier enseignement des quatre nobles vérités, dit que la souffrance existe, qu’elle a des causes – qui sont les trois poisons : l’avidité, la haine et l’ignorance – et qu’elle a une fin, à laquelle conduit la pratique de la noble voie octuple. La fin de la souffrance est l’éveil, ou l’illumination. Un être éveillé, un bouddha, ne souffre plus, plus du tout et plus jamais. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’a plus jamais de douleurs physiques, car, dans les quatre nobles vérités, le sens de souffrance, ou dukkha, est l’insatisfaction de l’existence et de toute expérience. C’est une souffrance morale, créée par l’esprit. La douleur physique n’est donc pas une souffrance dans le cas où nous n’y réagissons pas avec aversion, mais où nous comprenons son sens et son utilité.
Les douleurs physiques sont des signaux d’alarme qui nous préviennent d’un déséquilibre, d’un danger ou d’un mauvais fonctionnement d’une partie de notre corps, afin que nous prenions les mesures nécessaires pour l’éviter ou le soigner. C’est comme un signal lumineux qui s’allume sur le tableau de bord d’une voiture pour nous avertir qu’il manque de l’huile, que la porte est mal fermée ou que les freins ne fonctionnent plus normalement. Si nous acceptons ce signal, il ne s’ensuit pas de souffrance au niveau psychologique.
La souffrance, dans la société humaine, n’est pas limitée à nos propres malaises et maladies. Elle est fréquemment provoquée par des causes extérieures. C’est le cas des souffrances physiques comme la faim, le manque de sommeil, la torture, les abus sexuels, la violence… et des souffrances morales comme la trahison, le rejet, l’abandon, l’injustice, la peur, la pauvreté, l’humiliation, le manque d’amour… Lorsque ces souffrances sont inacceptables pour l’état de développement émotionnel, mental et spirituel de la personne, elles créent des traumatismes psychiques, des déséquilibres physiologiques et des dérèglements de la personnalité. Les personnes qui souffrent de ces traumatismes sont alors facilement influençables et manipulables.
Les effets de ces souffrances sont beaucoup plus puissants sur le psychisme des enfants, et ceux-ci sont souvent conditionnés à vie par leurs blessures, à moins qu’ils ne suivent un traitement thérapeutique approprié pour se soigner et retrouver leur liberté.
Lorsque les mauvais traitements ou les blessures sont très graves, la personne les oublie, c’est-à-dire qu’elle les efface de sa mémoire consciente. Ils restent cependant gravés dans l’inconscient et peuvent être réveillés par des déclencheurs similaires. Les personnes qui souffrent de ce syndrome, qu’on appelle la dissociation de la personnalité, peuvent être dirigées par contrôle mental pour effectuer des actes qu’elles oublient par la suite. Elles sont couramment utilisées, de nos jours, dans les armées, les commandos spéciaux, les réseaux de terroristes, ainsi que dans l’esclavage sexuel.
À un niveau moins poussé, on constate qu’une grande partie de la population se laisse facilement manipuler par les puissances au pouvoir. La plupart des gens ont été conditionnées par les souffrances qu’ils endurent depuis leur enfance dans leur vie quotidienne, comme le stress, l’anxiété, l’insatisfaction, la violence, la misère et la guerre. La peur, l’insécurité, la haine et l’avidité qui sont entretenues quotidiennement par les médias, et la culpabilité qui est enseignée par les religions, maintiennent la population dans un état de souffrance latente.
La manipulation des masses par la souffrance n’a rien de nouveau, elle est utilisée par le pouvoir depuis des millénaires. Elle est particulièrement forte à notre époque, sans que la plupart des gens ne s’en rendent compte d’ailleurs. Pour s’en libérer, le premier pas est de reconnaître que nous souffrons et que nous nous faisons manipuler. Alors le processus de libération peut commencer. Pour changer le monde, il faut d’abord se libérer de son emprise et, en conséquence, commencer par s’éveiller à ce qui s’y passe vraiment. D’innombrables réveils tonitruants sonnent partout dans le monde en ce moment, et pourtant la plupart des gens ne les entendent pas. Faudra-t-il une bombe atomique pour les réveiller ?
Ce texte est un chapitre du Guide du bonheur pour le troisième millénaire, de Pierre Wittmann.