Le bien et le mal
Notre société croit que pour créer le bien, il faut combattre le mal ; pour résoudre les problèmes, il faut chercher les coupables et les anéantir. Malheureusement, cette croyance, appliquée depuis des millénaires, ne fonctionne pas. Au contraire, les problèmes augmentent et le bien semble de plus en plus difficile à trouver. Cette méthode utilise la violence pour arriver à ses fins ; mais la violence crée des problèmes et du mal. On assiste donc à une escalade de la violence, qui ne résout rien, mais augmente les difficultés et les souffrances.
Cette croyance est basée sur des idées erronées. D’abord, l’idée que les causes des problèmes – et du mal – sont à l’extérieur de nous et que, si nous détruisons une cause extérieure, nous ne nous détruisons pas nous-mêmes. Mais l’idée d’extérieur et d’intérieur est une illusion. Il n’y a qu’un tout. Il englobe tous les phénomènes – y compris nous-mêmes –, ainsi que leurs causes. Lorsqu’on détruit les causes, on détruit une partie du tout, et une partie de nous-mêmes.
L’autre idée est que les causes sont matérielles et qu’on peut les combattre avec des moyens matériels. La croyance que tout est matériel est aussi une illusion. Le monde matériel n’est qu’une petite partie de tous les phénomènes. Il nous semble important, car c’est le seul que nous percevons avec nos sens. Les symptômes matériels que nous connaissons ne sont pas les vraies causes. Celles-ci ne sont pas matérielles. Aussi, combattre les symptômes par des moyens matériels n’a aucun effet sur leurs causes qui se situent à un autre niveau. La croyance que le mal est créé par des ennemis extérieurs qu’on peut combattre par des moyens matériels se retrouve aussi bien au niveau individuel qu’au niveau social ou politique.
Pour notre corps physique, les problèmes sont les maladies, et les ennemis sont les virus, les infections, les tumeurs. On combat ces ennemis par des drogues chimiques et des opérations. Ces moyens violents ne traitent pas les vraies causes des maladies, qui sont métaphysiques, mais ils en créent de nouvelles et affaiblissent encore plus l’organisme et son système immunitaire. En conséquence, dans notre société, les gens sont de plus en plus malades.
La solution matérielle pour combattre les problèmes sociaux est d’établir des lois qui réglementent et contrôlent le comportement des individus, et de poursuivre et condamner les ennemis de la société, ceux qui ne respectent pas les lois. Les causes des désordres sociaux ne sont cependant pas ceux qui enfreignent les lois. Elles se situent à un autre niveau. L’homme a créé une énorme infrastructure policière et judiciaire pour faire appliquer ses lois ; le nombre des procès et des prisons augmente sans cesse. Le nombre des lois augmente continuellement aussi, si bien que les individus sont de plus en plus stressés par la menace des procès et des punitions. Et les vraies causes des désordres sociaux et des maladies augmentent.
La solution pour combattre les conflits et les problèmes politiques est de faire des guerres, qu’elles soient militaires, religieuses, psychologiques ou économiques, et de manipuler les groupes et les individus afin qu’ils participent à ces guerres et les soutiennent. Mais comme les causes des problèmes politiques ne sont pas les pays, les minorités ou les individus qui créent des conflits, les guerres ne font que les envenimer et en augmenter le nombre. Et elles multiplient en même temps les causes des problèmes sociaux et des problèmes de santé.
Les vraies causes des problèmes, individuels et collectifs, sont les émotions négatives qui habitent le cœur de l’homme et se manifestent au niveau collectif. Les plus importantes sont l’avidité et la peur, qui engendrent toute une gamme d’émotions nuisibles comme la haine, la colère, la jalousie, l’envie, l’injustice, l’orgueil, le désespoir… Elles sont les causes de la violence, des conflits, de la délinquance, du mensonge, de la malhonnêteté, ainsi que de tous les problèmes de santé. L’avidité et la peur se manifestent, chez les plus démunis, par l’avidité pour la liberté et les besoins vitaux essentiels, et par la peur de la misère, de la tyrannie et de la mort. Chez les plus privilégiés, par l’avidité et l’attachement pour les richesses et le pouvoir, et par la peur de les perdre.
On ne peut soigner ces causes ni par des médicaments chimiques, ni par des lois, ni par des guerres. Mais on peut les remplacer par des émotions positives, comme l’amour, la paix, le contentement, la vérité, la générosité, la joie, l’espoir, la foi, la justice… Lorsque ces sentiments positifs remplacent les émotions négatives dans le cœur de l’homme, ils se manifestent au niveau collectif et guérissent les problèmes de santé, les troubles sociaux et les conflits politiques. Alors la santé individuelle, sociale et politique règne au niveau mondial. Pour que le bien remplace le mal dans le monde, il faut commencer par les remplacer dans le cœur de chaque individu. Il ne s’agit pas, pour y parvenir, de combattre le mal et les émotions négatives, il faut simplement cultiver le bien et les émotions positives. Lorsqu’elles s’installent dans le cœur, il n’y a plus de place pour les émotions négatives, qui se dissolvent et disparaissent. De même que l’obscurité disparaît lorsqu’on allume la lumière.
Une manière de créer la lumière est d’établir un meilleur équilibre des ressources, des droits et des libertés entre tous les hommes et tous les peuples de la terre. La souffrance, la faim et l’oppression qui existent dans les pays pauvres du Tiers-Monde ne sont pas des conditions favorables au développement des vertus positives. Mais le stress, l’anxiété et l’attachement aux bien matériels générés par les sociétés capitalistes des pays riches ne sont pas meilleurs. Même si les symptômes et les causes apparentes sont différents, les racines sont les mêmes. Le seul remède est l’amour, et non la violence. Le seul ennemi est soi-même, et non le voisin.
Ce texte est un chapitre du Guide du bonheur pour le troisième millénaire, de Pierre Wittmann.